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La vie est galère
1 juin 2013

L'inconnue

Jeudi 30 mai – L’inconnue

La déprime de l’hiver, qui n’en finit pas faute de printemps, avait atteint son apogée ce matin-là.

Le regard absent d’un  visage sombre et fermé peinait à regarder la réalité.

Les rendez-vous allaient se succéder en entretiens monotones comme ce ciel gris et froid.

Certes les sujets exposés et variés pourraient pigmenter quelque peu la routine institutionnalisée, mais inévitablement on en arriverait au même constat, l’absence de communication avec l’environnement immédiat où les écrits blessants et parfois incohérents aggravent la situation.

Les personnes plus ou moins psychorigides attendaient que le médiateur intervienne dans un conflit où les règlements de comptes n’étaient pas souvent ceux annoncés. Ils pouvaient avoir couvé parfois pendant deux générations avant d’éclater à l’occasion d’un  facteur déclenchant.

Alors les mots, et encore les maux, perdus dans un amas de papiers appelé dossier du ‘’litige untel ‘’ s’étalaient sans pudeur ni retenue. Le venin ainsi déversé risquait de m’entraîner dans un état apathique duquel j’aurais bien du mal à émerger.

Mais voici qu’un soleil radieux illumine le visage impassible qui s’ouvre enfin:

 

Elle entra d’un pas léger et presque hésitant comme pour s’excuser d’être là.

Alors que je m’effaçais en la priant  de s’installer de l’autre côté de la barrière infranchissable appelée bureau,  je sentis son parfum me caresser  d’un souffle de chèvrefeuille.

Ses yeux d’un bleu azur, à peine soulignés au crayon, étaient étincelants derrière le verre de ses lunettes  à peine visibles  comme s’ils se reflétaient dans une eau pure d’un îlot du pacifique. Sa coiffure blonde  élégamment désordonnée, le teint de son visage  semblable à celui du sable fin où brillent mille  cristaux, ses lèvres d’un fard discret  s’ouvrant sur un émail éclatant, illuminèrent la rencontre que je n’attendais plus, telle un oasis offrant son paradis au nomade égaré dans un désert.

D’une voix hésitante, elle conta son conflit et sa souffrance. Elle voulait rester dans le rationnel alors que ses émotions la submergeaient.

L’invitant à lâcher prise, le timbre de sa voix si douce se cassa parmi des larmes vite effacés d’un revers de main serrant un petit mouchoir de couleur indigo. Ses mains aux doigts effilés lui donnaient un charme, une grâce indescriptible et me fascinaient.

Un silence, que pour rien au monde je n'aurais voulu rompre, s'installa un court instant.

Emu mais enfermé dans ma carapace de soi-disant neutre et empathique, lié par un serment, je lui proposais alors de me confier son dossier dans lequel je verrai plus clair à tête reposée, sans lui avouer que je n’étais pas davantage en état d’y voir plus clair dans l’instant tant un trouble indicible m’envahissait.

Alors, elle se leva lentement comme à regret en s’excusant d’un murmure à peine audible.

J’aurais voulu lui tendre les bras, l’enlacer dans une fusion lui signifiant combien j’avais entendu sa douleur que je souhaitais apaiser.

Elle prit la main que je lui tendais en lui ouvrant le passage, l’effleura d’abord puis la serra doucement en maintenant un bref instant ce dernier lien que chacun hésitait à interrompre.

Nous étions appelés à nous revoir et j’attendais déjà cette nouvelle rencontre,  partagé par le désir de revivre cet instant tout en craignant que le charme soit rompu par le temps, la distance, et la prise de conscience d’une réalité qui sait s’imposer en se moquant bien de nos illusions.  

 

‘’Mon cœur, mon cœur, ne t’emballe pas. Et vous mes mains, restez tranquilles…’’ (Jacques Brel).

‘’Mes mains dessinent dans le soir la forme d’un espoir qui ressemble à ton corps… Mes mains
Se tendent en prière
Vers ton ombre légère
Disparue dans la nuit’’
(Extrait : Pierre Delanoë-Gilbert Bécaud) 

 

 

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